Jeudi 2 avril 2015, une délégation FO-Direction composée de Jimmy DELLISTE, Patrick WIART et Élise THEVENY, a rencontré Mme Adeline HAZAN, CGLPL. Cette rencontre a été l’occasion d'aborder son bilan d’activité 2014.
Durant plus de deux heures d’entretien, le rapport d’activité et les questions d’actualité ont été abordés et débattus dans un climat général de sérénité et d’écoute.
Après avoir rappelé que les saisines concernaient à 90 % les établissements pénitentiaires et qu’environ 150 établissements étaient visités chaque année, Madame HAZAN a longuement développé le thème de l’autonomie des personnes détenues.
1/ La surpopulation carcérale comme obstacle à l’autonomie des personnes détenues.
Selon la CGLPL, le postulat de départ est que la privation de liberté ne concerne que la privation d'aller et venir. Toute la problématique réside donc dans le fait de trouver le point d'équilibre entre le respect de ce principe et les contraintes inhérentes à l'incarcération.
Les services du CGLPL ont observé au cours de leurs visites que la surpopulation carcérale était un frein important à l'autonomie des personnes détenues. Inégalité d’accès aux activités, à l’enseignement, aux soins, aux parloirs, restriction des conditions de vie en détention, en sont les conséquences directes en Maison d'arrêt.
Madame HAZAN ne cache d'ailleurs pas son inquiétude quant au dernier moratoire adopté concernant l'encellulement individuel. Elle constate également les difficultés de mise en place de la réforme pénale dont les résultats sont très variables selon les juridictions.
FO-Direction a indiqué que la difficulté de cette réforme est qu'elle est appliquée à effectif constant, tant pour les CPIP que pour les Juges d’Application des Peines, les greffes pénitentiaires qui préparent les commissions d'application des peines.
2/ L'autonomie comme facteur d'individualisation de la peine.
Madame HAZAN préconise une plus grande individualisation des parcours des personnes détenues pour améliorer leur autonomie. Selon elle, l'autonomie devrait être un critère permettant, selon les cas, de laisser un peu plus de liberté d'action ou permettant de moduler les règles de fonctionnement des établissements.
Dans la continuité de son prédécesseur, la CGLPL s'est également déclarée favorable à la construction d’établissements de taille modeste, proches des centres urbains.
Elle note que les derniers programmes immobiliers ont été un peu corrigés puisqu'ils sont de taille plus raisonnable, mais regrette un éloignement toujours trop important des centres -villes.
Nous avons indiqué à la CGLPL être favorables à la création d'établissements de taille moyenne et plus proches des centres urbains, tant pour améliorer les conditions de détention que pour améliorer les conditions de travail des personnels.
Nous nous sommes également positionnés en faveur d'établissements spécialisés selon les profils et les problématiques spécifiques des personnes détenues. La CGLPL a admis que le critère actuellement privilégié du maintien des liens familiaux pourrait être écarté pour s'attacher à l'élaboration d'un réel parcours d'exécution de peine.
Nous avons enfin rappelé être favorables à l'installation de téléphones fixes en cellule, à condition que les appels soient contrôlés et qu'un dispositif de brouillage soit installé dans les établissements.
La question de la spécialisation des établissements nous a amenés à évoquer l'actuelle problématique des quartiers de « désendoctrinement ».
Madame HAZAN est revenue sur l'expérimentation menée à Fresnes, qu'elle estime peu satisfaisante car elle constitue une mise à l'écart sans réel programme de prise en charge. Elle conteste également le critère d'affectation dans ce quartier fondé sur le motif d'incarcération.
D’un commun accord, nous nous sommes étonnés que le rapport peu flatteur de l’Inspection des Services Pénitentiaires ait été diffusé largement par la DAP, permettant au passage à l’OIP de rebondir sur ce sujet sensible.
Nous avons indiqué être favorables à la poursuite de l'expérimentation sur ces quartiers spécifiques, à condition d'y intégrer de véritables programmes de prise en charge des personnes détenues qui y seraient affectées et en insistant sur la nécessité de renforcer le lien avec les aumôniers et de consolider leur formation. Nous avons souligné l’initiative prise par le chef d’établissement de Fresnes qui a au moins eu le mérite de lancer le débat et la réflexion. La création de ce quartier dont le contenu restait à définir a une fois de plus été la traduction souvent constatée du manque de prise en considération des signalements faits par les services déconcentrés à l'administration centrale. Le souhait formulé par la directrice de réduire le nombre de DSP au sein de la direction de l’administration pénitentiaire risque de creuser encore un peu plus le fossé entre dogmatisme et pragmatisme.
FO-Direction s’est grandement étonné de la diffusion généralisée du rapport de l’Inspection avant même que le chef d’établissement du CP de Fresnes n’ait eu le temps de faire ses propres observations. Sur ce dossier, l’enjeu politique, traduit par les divergences entre le ministère de la Justice et Matignon, n’a pas à rejaillir sur les initiatives courageuses de ceux qui osent dans le respect de la Loi.
Le devenir d'EMS3, le recrutement d’officiers spécialisés avec des correspondants dans les DISP dans le Renseignement ont également fait l’objet d’échanges, avec la perspective de la loi sur le Renseignement actuellement débattue au Parlement. La CGLPL s’est inquiétée de l’intégration du Renseignement pénitentiaire dans le Renseignement national. Nous avons alors rappelé que nos postions étaient ambitieuses et en réel décalage avec la frilosité de la Chancellerie.
Madame HAZAN nous a enfin fait part de la mise en place d'un conseil scientifique sur la privation de liberté, piloté par Agathe LOGEART, journaliste, recrutée au sein des services du CGLPL.
En fin de réunion nous avons fait un point sur le renouvellement important intervenu au sein de l’équipe de contrôleurs du CGLPL. Nous avons par ailleurs rappelé notre légitime revendication concernant le fait que les Chefs d’Établissement doivent être en mesure de pouvoir répondre, en toute loyauté, directement aux services du CGLPL, sans passer par la censure infantilisante habituelle.
FO-Direction